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Les chasseurs de mammouths Page 37
Les chasseurs de mammouths Read online
Page 37
La jeune femme secoua la tête.
— Elle doit t’expliquer, t’enseigner, t’aider à comprendre le Don magnifique de la Mère, te préparer, quand viendra ton tour, à faire d’une jeune fille une femme. Toutes les femmes, quand elles sont plus âgées, peuvent être donii, une fois au moins, comme tous les hommes peuvent partager les Premiers Rites d’une jeune fille, une fois au moins. C’est un devoir sacré en l’honneur de Doni.
Il baissa les yeux.
— Mais une donii représente la Grande Mère. On ne peut pas en être amoureux, la vouloir pour compagne. Il regarda de nouveau Ayla.
— Comprends-tu cela ? C’est interdit. C’est comme si l’on s’éprenait de sa propre mère, comme si l’on voulait s’unir à sa propre sœur. Pardonne-moi, Ayla... c’est un peu comme si l’on voulait s’unir à une femme Tête Plate !
Il se détourna, gagna l’entrée de la caverne en quelques longues enjambées. Il souleva la tenture mais ses épaules s’affaissèrent. Il changea d’avis, revint. Il s’assit près d’Ayla. Son regard se perdit dans le vide.
— J’avais douze ans. Zolena était ma donii, et je l’aimais. Elle m’aimait aussi. Au début, elle paraissait simplement savoir comment me plaire, mais, par la suite, ce fut davantage. Je pouvais lui parler de tout. Nous aimions être ensemble. Elle m’apprenait comment sont les femmes, ce qui éveille leur plaisir, et moi, je me montrais attentif parce que je l’aimais, parce que je cherchais à lui plaire. Lui plaire était mon grand bonheur. Nous n’avions pas l’intention de tomber amoureux l’un de l’autre. Nous ne nous le sommes même pas avoué, au commencement. Nous avons essayé ensuite de tenir notre amour secret. Mais je désirais m’unir à elle. Je voulais vivre avec elle. Je voulais que ses enfants fussent ceux de mon foyer.
Le regard fixé sur les flammes, il battit des paupières et Ayla vit briller l’éclat des larmes.
— Zolena ne cessait de me répéter que j’étais trop jeune, que cela me passerait. La plupart des jeunes hommes attendent d’avoir au moins quinze ans, avant de se mettre sérieusement à chercher une femme qui sera leur compagne. Moi, je ne me sentais pas trop jeune. Mais peu importait ce que je désirais. Je ne pouvais pas avoir Zolena. Elle était ma donii, ma conseillère, mon professeur. Elle ne devait pas me laisser tomber amoureux d’elle. On la blâmait plus que moi, mais cela ne faisait qu’aggraver la situation. Jamais elle n’aurait été blâmée si je ne m’étais pas montré aussi stupide !
Les derniers mots, il les avait littéralement crachés.
— D’autres hommes la désiraient aussi. Constamment. Qu’elle voulût d’eux ou non. L’un d’eux l’importunait sans cesse. Ladroman. Quelques années plus tôt, elle avait été sa donii. Je ne peux pas lui en vouloir, je suppose, de l’avoir désirée, mais elle ne s’intéressait plus à lui. Il s’était mis à nous suivre, à nous épier. Un jour, il nous a surpris ensemble. Il a menacé Zolena, il lui a dit que, si elle ne lui cédait pas, il dirait à tout le monde ce qu’il savait de nous.
« Elle a voulu tourner la chose en plaisanterie. Il pouvait mettre sa menace à exécution : il n’y avait rien à dire, elle n’était rien d’autre que ma donii. J’aurais dû faire comme elle. Mais, quand il s’est moqué de nous, en répétant des paroles que nous avions échangées dans l’intimité, j’ai été furieux. Non... je n’ai pas seulement été furieux. J’ai perdu mon sang-froid, je ne me suis plus contrôlé. Je l’ai frappé.
Jondalar abattit son poing fermé sur le sol, recommença, encore, encore.
— Je ne pouvais plus m’arrêter de frapper. Zolena a bien essayé de me faire cesser. Finalement, elle a dû aller chercher quelqu’un d’autre pour m’écarter de lui. Elle a bien fait. Je l’aurais tué, je crois.
Il se leva, se remit à arpenter la caverne.
— Tout alors, s’est découvert. Dans les détails les plus sordides. Ladroman a tout dit en public... devant tout le monde. Je me sentais gêné en découvrant depuis combien de temps il nous épiait, tout ce qu’il avait entendu. On nous a questionnés, Zolena et moi...
Il rougissait à ce seul souvenir.
— ... et l’on nous a condamnés l’un et l’autre, mais je me suis indigné quand on a rejeté sur elle la responsabilité. Ce qui aggravait la situation, c’était que j’étais le fils de ma mère. Elle était le chef de la Neuvième Caverne, et je l’avais déshonorée. Toute la Caverne était en effervescence.
— Qu’a fait ta mère ? demanda Ayla.
— Elle a fait ce qu’elle devait. Ladroman avait beaucoup souffert. Il avait perdu plusieurs dents. On a alors plus de mal à mastiquer, et les femmes ne sont pas attirées par un homme édenté. Ma mère a dû payer pour moi une importante indemnité et, sur les instances de la mère de Ladroman, elle a accepté de m’envoyer au loin.
Il s’interrompit, ferma les yeux, le front contracté sous le coup d’une ancienne souffrance.
— Cette nuit-là, j’ai pleuré. Manifestement, cet aveu lui coûtait.
— Je ne savais pas où je serais envoyé. J’ignorais que ma mère avait dépêché un messager à Dalanar pour lui demander de m’accueillir.
Il reprit haleine, poursuivit :
— Zolena est partie avant moi. Elle avait toujours été attirée vers la Zélandonia et elle est allée rejoindre Ceux Qui Servent la Mère. J’ai songé à en faire autant, moi aussi, peut-être en qualité de sculpteur : je me croyais alors doué pour ce métier. Mais la réponse de Dalanar est arrivée et, tout de suite après, Willomar m’a emmené chez les Lanzadonii. Je ne connaissais pas vraiment Dalanar. Il était parti quand j’étais encore très jeune, et je le rencontrais seulement aux Réunions d’Été. Je ne savais pas à quoi m’attendre, mais Marthona avait choisi la bonne solution.
Une fois encore, Jondalar se tut, il se tassa sur lui-même près du feu. Il ramassa une branche sèche, la posa sur les flammes.
— Avant mon départ, les gens m’évitaient, se répandaient en injures contre moi, reprit-il. Certains écartaient leurs enfants de mon chemin pour les soustraire à mon influence impure, comme si un seul regard jeté sur moi pouvait les corrompre. Je sais que j’avais mérité ce traitement : ce que nous avions fait était terrible. Mais j’avais envie de mourir.
Silencieuse, Ayla l’observait, attendait la suite. Elle ne comprenait pas tout à fait les coutumes dont il parlait mais elle souffrait pour lui avec une sympathie née de sa propre souffrance. Elle aussi avait enfreint certains tabous et en avait payé les cruelles conséquences mais elle en avait tiré un enseignement. Peut-être parce que, dès l’origine, elle était très différente des autres, elle avait appris à se demander si ce qu’elle avait fait était vraiment si grave. Elle en était venue à comprendre qu’il n’était pas mal de sa part de vouloir chasser, à la fronde, à l’épieu, avec n’importe quelle arme, tout bonnement parce que, pour le clan, les femmes n’avaient pas le droit de chasser. Elle ne s’en voulait pas de s’être opposée à Broud au mépris de toutes les traditions.
— Jondalar, dit-elle, emplie de compassion.
Elle regardait sa tête baissée dans une attitude de découragement et de remords.
— Tu as commis une grave faute en battant si durement cet homme... Il approuva d’un signe de tête.
— ... Mais qu’aviez-vous fait de si coupable, Zolena et toi ? La question le surprit, il se redressa.
Il s’était attendu au dédain, à la dérision, à la sorte de mépris qu’il éprouvait pour lui-même.
— Tu ne comprends pas. Zolena était ma donii. Nous avons déshonoré la Mère, nous L’avons offensée. C’était une chose honteuse.
— Qu’y avait-il de honteux ? Je ne sais toujours pas ce que tu as fait de si mal.
— Ayla, quand une femme assume cet aspect de la Mère pour initier un jeune homme, elle prend une importante responsabilité. Elle le prépare à la virilité, elle lui enseigne à créer une femme. Doni a confié à l’homme la responsabilité d’ouvrir une femme, de la préparer à accepter les esprits venus de la Grande Terre Mère, afin que la femme puisse deveni
r une mère. C’est un devoir sacré. Ce n’est pas une relation banale, quotidienne, que chacun peut nouer à tout moment. On ne peut pas la prendre à la légère, expliqua Jondalar.
— L’avais-tu prise à la légère ?
— Non. Bien sûr que non !
— Alors, qu’as-tu fait de mal ?
— J’ai profané un rite sacré. Je suis tombé amoureux...
— Tu es tombé amoureux. Et Zolena en a fait autant. Pourquoi serait-ce mal ? De tels sentiments ne te remplissent-ils pas de chaleur, de bien-être ? Tu n’avais rien prémédité. C’est arrivé, voilà tout. N’est-il pas naturel de tomber amoureux d’une femme ?
— Mais pas de celle-là, protesta-t-il. Tu ne comprends pas.
— Tu as raison. Je ne comprends pas. Broud m’a violée. Il était cruel, haïssable, et c’était justement ce qui lui procurait son plaisir. Toi, par la suite, tu m’as appris ce que devaient être les Plaisirs : non pas douloureux mais agréables, délicieux. T’aimer me remplit de chaleur et de bien-être, moi aussi. Je croyais que l’amour avait toujours cet effet. Mais voilà que tu me dis qu’il peut être mal d’aimer quelqu’un, que l’on peut en ressentir une grande souffrance.
Jondalar prit un morceau de bois, le posa sur le feu. Comment pouvait-il se faire comprendre ? On pouvait éprouver aussi de l’amour pour sa mère, sans pour autant désirer s’unir à elle. On ne voulait pas voir les enfants de son propre foyer mis au monde par sa donii. Il ne savait que répondre, mais le silence était tendu.
— Pourquoi as-tu quitté Dalanar pour retourner là-bas ? questionna Ayla, au bout d’un moment.
— Ma mère m’a envoyé chercher... Non, c’était autre chose. Je désirais rentrer chez moi. Dalanar était très bon pour moi, j’avais de l’affection pour Jerika et pour mon cousin, Joplaya, mais je ne me suis jamais senti tout à fait chez moi parmi eux. Je n’étais pas sûr de pouvoir un jour retourner là-bas, mais j’avais envie de retrouver les miens. J’ai fait vœu de ne plus jamais perdre mon sang-froid, de ne plus jamais me mettre en colère.
— As-tu été heureux de rentrer ?
— Ce n’était plus la même chose, mais, après les tout premiers jours, tout s’est passé mieux que je ne l’avais pensé. La famille de Ladroman avait quitté la Neuvième Caverne, et, sans sa présence pour rappeler aux gens ce qui s’était passé, ils oubliaient. Je ne sais pas ce que j’aurais fait s’il s’était encore trouvé là. C’était déjà assez difficile aux Réunions d’Été. Toutes les fois que je le voyais, je me souvenais de mon indignité. Un peu plus tard, quand Zolena est revenue à son tour, il y a eu de nombreux commentaires, les premiers temps. J’avais peur de la revoir mais, en même temps, j’en avais envie. C’était plus fort que moi, Ayla : même après tout ce qui s’était passé, je l’aimais encore, je crois.
Son regard quêtait un peu de compréhension. Une fois de plus, il se leva, se remit à marcher.
— Mais elle avait beaucoup changé. Elle avait déjà accédé à un rang supérieur dans la Zélandonia. Elle était tout à fait Celle Qui Sert la Mère. Au début, je ne voulais pas y croire. Je voulais voir jusqu’à quel point elle avait changé, savoir si elle conservait encore des sentiments pour moi. Je tenais à me trouver seul avec elle et je dressais des plans pour cela. J’ai attendu jusqu’à la fête organisée pour Honorer la Mère. Elle avait dû me deviner. Elle chercha à m’éviter mais finit par changer d’avis. Le lendemain, il y eut des gens pour être scandalisés, même s’il était parfaitement convenable de partager les Plaisirs avec elle lors d’une fête.
Il émit un petit rire railleur.
— Ils n’avaient pas à se tourmenter. Elle m’assura qu’elle avait toujours de l’affection pour moi, qu’elle me souhaitait tout le bonheur possible, mais ce n’était plus la même chose. Elle ne me désirait plus.
« A la vérité, continua-t-il avec une ironie amère, je crois qu’elle a vraiment de l’affection pour moi. Nous sommes maintenant de bons amis. Mais Zolena savait ce qu’elle voulait... et elle l’a obtenu. Elle n’est plus Zolena, à présent. Avant mon départ pour mon grand Voyage, elle est devenue la Zelandoni, la Première parmi Celles qui Servent la Mère. Je suis parti peu de temps après, avec Thonolan. C’est sans doute la cause de mon départ.
Il retourna vers l’entrée, regarda par-dessus la tenture. Ayla se leva, le rejoignit. Les yeux clos, elle sentait le vent caresser son visage, écoutait le souffle égal de Whinney, la respiration plus haletante de Rapide. Jondalar prit une longue inspiration, revint s’asseoir sur une natte, près du feu. Il ne semblait pas vouloir dormir. Elle le suivit, prit la grande outre, versa de l’eau dans une corbeille à cuire, plaça dans les flammes quelques pierres pour les faire chauffer. Jondalar n’était pas prêt à aller se coucher. Il n’avait pas encore fini.
— Quand je suis rentré chez moi, ma plus grande joie a été la présence de Thonolan, commença-t-il, en reprenant le fil de son récit. Il avait grandi, en mon absence, et, après mon retour, nous sommes devenus de bons amis et nous avons commencé à faire ensemble toutes sortes de choses...
Il se tut. La souffrance se peignait sur son visage. Ayla se rappelait quelle épreuve avait été pour lui la mort de son frère. Il se laissa tomber près d’elle, les épaules basses, épuisé, vidé de toutes ses forces. Elle comprit alors combien il lui avait été pénible de parler de son passé. Sans bien savoir ce qui l’y avait amené, elle savait qu’une tension s’était accumulée en lui.
— Ayla, crois-tu que, sur le chemin du retour, nous pourrions retrouver... le lieu où Thonolan a été... tué ? demanda-t-il.
Il s’était tourné vers elle. Ses yeux étaient pleins de larmes. Sa voix se brisait.
— Je n’en suis pas certaine, mais nous pourrons essayer.
Elle remit dans l’eau quelques pierres brûlantes, choisit quelques herbes sédatives.
Elle retrouvait soudain toute la peur, toute l’inquiétude qu’elle avait éprouvées, cette première nuit qu’il avait passée dans sa caverne, lorsqu’elle n’était pas sûre qu’il allait survivre. Il avait appelé son frère, alors, et, sans comprendre ses paroles, elle avait su qu’il réclamait l’homme qui était mort. Quand elle était parvenue à lui faire entendre ce qui s’était passé, il avait épuisé entre ses bras la douleur qui le déchirait.
— Cette première nuit, sais-tu depuis combien de temps je n’avais plus pleuré ? demanda-t-il.
Elle sursauta : on aurait dit qu’il avait deviné ses pensées. Mais, évidemment, il venait de parler de Thonolan.
— Depuis le jour où ma mère m’avait annoncé que je devais partir. Ayla, pourquoi a-t-il fallu qu’il meure ? questionna-t-il d’une voix étranglée, suppliante. Thonolan était plus jeune que moi ! Il n’aurait pas dû mourir si jeune. Je ne supportais pas de le savoir à jamais disparu. Après m’être mis à pleurer, je ne pouvais plus m’arrêter. Je ne sais pas ce que j’aurais fait si tu n’avais pas été là, Ayla. Je ne te l’avais encore jamais dit. J’avais honte, je crois... honte d’avoir, une fois de plus, perdu mon sang-froid.
— Il n’y a aucune honte à pleurer quelqu’un, Jondalar... ni à aimer quelqu’un.
Il détourna les yeux.
— Tu crois ça ?
Il y avait dans sa voix une nuance de mépris pour lui-même.
— Même lorsque tu t’en sers dans ton propre intérêt, en faisant souffrir quelqu’un d’autre ?
Ayla, déconcertée, fronça les sourcils. Jondalar se retourna vers le feu.
— L’été qui a suivi mon retour, à la Réunion d’Été, j’ai été choisi pour les Premiers Rites. J’étais inquiet. La plupart des hommes le sont. On craint de faire mal à une jeune fille, et je suis... d’une bonne taille. Il y a toujours des témoins, pour vérifier qu’une jeune fille a bien été déflorée mais, en même temps, pour s’assurer qu’elle n’a pas été vraiment blessée. L’homme s’inquiète : peut-être ne sera-t-il pas en mesure de prouver sa virilité, de sorte qu’il faudra trouver quelqu’un d’autre au dernier moment, et qu’il se retrouvera humili�
�. Bien des choses peuvent se produire. Je dois remercier la Zelandoni, fit-il avec un petit rire ironique. Elle a fait précisément ce que doit faire une Doni. Elle m’a conseillé... ce qui m’a aidé.
« Mais, ce soir-là, c’était à Zolena que je pensais, pas à la Zelandoni. J’ai vu alors cette jeune fille apeurée et j’ai compris qu’elle était encore plus tourmentée que moi. Elle a été vraiment effrayée quand elle a vu ma nudité : c’est le cas de bien des femmes, la première fois. Je me suis alors souvenu de ce que Zolena m’avait appris : comment la préparer, comment me dominer, comment l’amener au Plaisir. Finalement, ce fut merveilleux de voir une jeune fille inquiète, craintive, se transformer en une femme consentante, libérée. Elle se montrait si reconnaissante, si aimante... J’ai eu l’impression de l’aimer, cette nuit-là.
Il ferma les paupières, dans cette grimace douloureuse que lui avait vue si souvent Ayla, récemment. Il sauta de nouveau sur ses pieds, se remit à arpenter la caverne.
— Les expériences ne m’apprennent jamais rien ! Le lendemain, je savais que je ne l’aimais pas réellement, mais elle, elle m’aimait ! Elle n’était pas censée s’éprendre de moi, pas plus que je ne devais tomber amoureux de ma donii ! J’étais chargé de faire d’elle une femme, de lui enseigner ce qu’étaient les Plaisirs, certainement pas de l’amener à m’aimer. Je me suis efforcé de ne pas froisser ses sentiments mais j’ai bien vu sa déception lorsque j’ai enfin réussi à lui faire comprendre mes paroles.
Il s’arrêta devant Ayla, lui cria presque :
— Ayla, c’est un acte sacré, de faire d’une jeune fille une femme. C’est un devoir, une responsabilité, et, une fois encore, j’avais profané cet acte !
Il se remit en marche.
— Ce n’était pas la dernière fois. Je m’étais promis de ne jamais recommencer, mais tout se passa de la même manière, la fois suivante. Je me suis fait alors une autre promesse : je n’accepterais plus de jouer ce rôle, je ne le méritais pas. Mais, quand je fus de nouveau choisi, je ne pus refuser. J’en avais trop envie. On me choisissait souvent, et je me mis à attendre ces occasions avec impatience : il me tardait de retrouver les émotions d’ardeur, d’amour éprouvées ces nuits-là, même si, le lendemain, je me haïssais d’avoir utilisé, à mon seul bénéfice, la jeune fille et le rite sacré de la Mère.