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Les refuges de pierre Page 8


  Jondalar avait compris lui aussi où menaient les questions de Zelandoni et, à sa propre surprise, il s’en moquait. Il y avait eu un temps où il se préoccupait tellement de ce que sa famille et son peuple penseraient de cette femme, de ce qu’ils penseraient de lui s’il l’amenait à la Caverne, qu’il avait failli renoncer à elle, qu’il avait failli la perdre. Maintenant, cela ne comptait plus. Aussi importants fussent-ils pour lui, aussi heureux fût-il de les revoir, s’ils n’acceptaient pas Ayla, il partirait. C’était elle qu’il aimait. Ensemble, ils avaient beaucoup à offrir ; plusieurs Cavernes leur avaient déjà proposé de vivre avec elles, notamment celle de Dalanar des Lanzadonii. Il était sûr qu’ils pourraient trouver un foyer quelque part.

  La doniate sentait qu’une sorte d’émotion était passée entre Jondalar et Ayla, une sorte d’approbation. Cela piqua son intérêt mais elle avait appris que, souvent, l’observation et la patience satisfaisaient sa curiosité mieux que les questions.

  — Creb était le Mog-ur du clan de Brun, lui dit Ayla, celui qui connaissait le Monde des Esprits. Comme toi, Zelandoni, il était Premier, Mog-ur de tout le Clan. Mais pour moi, Creb était... l’homme de mon foyer, même si je n’y étais pas née, même si la femme avec qui il vivait, Iza, était sa sœur, et non pas sa compagne. Il n’avait jamais eu de compagne.

  — C’est quoi, le Clan ? demanda la doniate, qui avait remarqué que l’accent d’Ayla se renforçait quand elle en parlait.

  — Le Clan, c’est... J’ai été adoptée par le Clan. Il m’a recueillie quand j’étais seule. Creb et Iza ont pris soin de moi, ils m’ont élevée. Iza était ma mère, la seule mère dont je me souvienne. Elle était guérisseuse. Première aussi, en un sens, La plus respectée de toutes les Femmes Qui Soignent, comme sa mère et sa grand-mère, et toute une lignée remontant sans interruption jusqu’à l’origine du Clan.

  — Est-ce là que tu as appris à guérir ? demanda Zelandoni en se penchant au-dessus des coussins.

  — Oui. Iza m’a enseigné son savoir. Pourtant, je n’étais pas sa fille et je n’avais pas les mêmes souvenirs qu’elle, comme Uba, celle que je considérais comme ma sœur.

  — Qu’est-il arrivé à ta vraie mère, à ta famille, au peuple chez qui tu es née ?

  Ayla se renversa en arrière et leva les yeux, comme pour chercher la réponse. Puis elle regarda de nouveau la femme obèse qui la fixait avec intensité.

  — Je ne sais pas. Je ne me souviens pas. J’étais jeune, Iza pensait que je n’avais que cinq ans... bien que le Clan n’ait pas de mots pour compter comme les Zelandonii. On nomme les années : l’année de la naissance, l’année de l’allaitement, l’année du sevrage... J’ai traduit en mots pour compter.

  Ayla s’interrompit : elle ne pouvait pas tout expliquer, raconter toute sa vie avec le Clan. Il valait mieux se contenter de répondre aux questions.

  — Tu ne gardes aucun souvenir de ton vrai peuple ?

  — Je sais seulement ce qu’Iza m’en a dit. Un tremblement de terre avait détruit leur caverne, et le clan de Brun cherchait un nouvel abri quand elle m’a trouvée au bord d’une rivière, inconsciente. Brun l’a autorisée à me prendre avec elle. D’après Iza, j’avais dû être attaquée par un lion des cavernes parce que quatre traces de griffes, espacées comme celles de cet animal, marquaient ma jambe, et les plaies coulaient, elles étaient... empoisonnées, pourries, dit Ayla, cherchant le mot exact.

  — Infectées, purulentes, corrigea Zelandoni. Oui, je comprends. Les griffes des lions ont souvent cet effet.

  — J’ai encore les cicatrices. C’est comme cela que Creb a su que le Lion des Cavernes était mon totem, bien que ce soit en général un totem d’homme. Je rêve encore parfois que je suis dans un endroit sombre et que je vois une grosse patte s’approcher de moi.

  — C’est un rêve puissant. Il t’arrive d’en faire d’autres ? Sur cette période de ta vie ?

  — Il y en a un qui est encore plus effrayant, mais difficile à raconter. Je ne m’en souviens jamais bien. C’est plutôt une impression, l’impression que la terre tremble. Je déteste les tremblements de terre, murmura la jeune femme avec un frisson.

  Zelandoni hocha la tête d’un air entendu.

  — D’autres rêves ?

  — Non... Si, une seule fois, quand Jondalar, se remettant de ses blessures, m’apprit à parler...

  La doniate trouva la phrase curieusement tournée et lança un regard à Marthona pour voir si elle avait remarqué sa bizarrerie.

  — Je comprenais un peu, continua Ayla. J’avais appris beaucoup de mots mais je n’arrivais pas à les mettre ensemble. Et puis j’ai rêvé de ma mère, de ma vraie mère. J’ai vu son visage et elle m’a parlé. Ensuite, j’ai appris plus facilement.

  — Ah, c’est un rêve très important, commenta Celle Qui Servait. C’est toujours important quand la Mère t’apparaît en rêve, quel que soit l’aspect qu’Elle revêt, en particulier lorsqu’Elle prend la forme de ta propre mère s’adressant à toi depuis le Monde d’Après.

  Jondalar se rappela la fois où il avait rêvé de la Mère, quand ils étaient encore dans la vallée d’Ayla. Un rêve étrange. Il faudra que j’en parle un jour à Zelandoni, pensa-t-il.

  — Si tu as rêvé de la Mère, poursuivit la doniate, pourquoi n’as-tu pas fait appel à Elle pour aider Thonolan à trouver son chemin dans le Monde d’Après ? Je ne saisis pas pourquoi tu as invoqué l’Esprit d’un ours des cavernes au lieu de la Grande Terre Mère.

  — J’ignorais tout de la Grande Terre Mère avant que Jondalar m’apprenne votre langue et me parle d’Elle. Folara ne cacha pas sa stupeur :

  — Tu ne savais rien de Doni, rien de la Grande Terre Mère ?

  Aucun Zelandonii n’avait jamais entendu parler de quelqu’un qui ne reconnaissait pas la Grande Mère sous une forme ou une autre. Ils étaient consternés.

  — Le Clan vénère Ursus, le Grand Ours des Cavernes, dit Ayla. C’est pourquoi j’ai demandé à Ursus de guider l’esprit du mort – j’ignorais son nom, alors – même s’il n’appartenait pas au Clan. J’ai aussi invoqué l’Esprit du Lion des Cavernes, puisqu’il est mon totem.

  — Si tu ne connaissais pas la Mère, tu as fait ce que tu as pu étant donné les circonstances, approuva Zelandoni. Je suis sûre que cela a aidé.

  Elle était cependant plus inquiète qu’elle ne le laissait paraître : comment un des enfants de la Mère pouvait-il ne pas La connaître ?

  — J’ai un totem, moi aussi, révéla Willamar en se redressant un peu. C’est l’Aigle. Ma mère m’a raconté que, quand j’étais bébé, un aigle m’a saisi dans ses serres pour m’emporter, mais elle s’est agrippée à moi et a tenu bon. J’ai encore les cicatrices. La Zelandoni lui a expliqué que l’Esprit de l’Aigle m’avait reconnu pour l’un des siens. Rares sont ceux qui ont un totem personnel chez les Zelandonii, mais c’est considéré comme une chance.

  — Tu as eu de la chance de t’en tirer, dit Joharran.

  — Jondalar aussi, répondit Ayla. Je crois qu’il a également le Lion des Cavernes pour totem. Qu’en penses-tu, Zelandoni ?

  Depuis qu’elle pouvait lui parler, Ayla tentait de convaincre son compagnon que l’Esprit du Lion des Cavernes l’avait choisi, mais il évitait toujours d’en discuter. Apparemment, les totems personnels n’étaient pas aussi importants pour son peuple qu’ils l’étaient pour le Clan. En tout cas, c’était important pour elle, et elle ne voulait prendre aucun risque.

  Il fallait, croyait le Clan, que le totem d’un homme soit plus fort que celui d’une femme pour qu’elle ait des enfants. C’était pour cette raison que le totem masculin d’Ayla avait tant inquiété Iza. Ayla avait quand même eu un fils, mais la puissance de son totem avait causé de grandes difficultés, d’abord pendant la grossesse, puis durant l’accouchement, et même plus tard, pensaient de nombreux membres du Clan, persuadés que l’enfant n’avait pas de chance : le fait que sa mère n’eût pas de compagnon et qu’il n’y eût pas d’homme au foyer pour élever convenablement le garçon en apportait la confirmat
ion. Maintenant qu’elle était de nouveau enceinte, elle voulait éloigner tout danger de cet enfant que Jondalar avait placé en elle. Bien qu’elle eût beaucoup appris sur la Mère, elle n’avait pas oublié les enseignements du Clan, et, si le totem de Jondalar était un Lion des Cavernes comme le sien, il serait assez fort pour qu’elle ait un bébé en bonne santé et qu’il mène une vie normale.

  Quelque chose dans le ton d’Ayla attira l’attention de Zelandoni, qui observa la jeune femme. Elle veut que Jondalar ait aussi un Lion des Cavernes pour totem, pensa la doniate, c’est capital pour elle. Ces totems doivent avoir une grande importance pour ce Clan qui l’a élevée. Il est probable que Jondalar a maintenant pour totem le Lion des Cavernes, et cela ne lui nuira pas si tout le monde pense qu’il a de la chance. D’ailleurs, il a fallu qu’il en ait beaucoup pour réussir à revenir.

  — Je crois que tu as raison, Ayla, dit Zelandoni. Jondalar peut revendiquer le Lion des Cavernes comme totem, et la chance qui va de pair. Ce fut une chance pour lui de croiser ton chemin au moment où il avait besoin de toi.

  — Je te l’avais dit, Jondalar ! s’exclama Ayla, soulagée.

  Pourquoi cette femme et ce Clan attachent-ils tant d’importance à l’Esprit du lion ou de l’ours des cavernes ? se demandait la doniate. Tous les Esprits sont importants, ceux des animaux comme ceux des plantes, mais c’est la Mère qui leur donne vie à tous.

  — Où vit ce Clan qui t’a élevée ?

  — Oui, j’aimerais le savoir moi aussi, dit Joharran. Jondalar ne t’a-t-il pas présentée comme Ayla des Mamutoï ?

  — Tu prétends que tu ne connaissais pas la Mère, mais en arrivant tu nous as salués au nom de la Grande Mère de Tous, qui est l’un des noms que nous donnons à Doni, rappela Folara.

  Prise d’une légère frayeur, Ayla se tourna vers Jondalar. L’ombre d’un sourire errait sur le visage de son compagnon, comme s’il trouvait amusant que les réponses franches et directes d’Ayla provoquent une telle stupeur. Il lui pressa la main de nouveau et elle se détendit un peu.

  — Mon clan vivait à l’extrémité sud de la terre qui s’enfonce dans la mer de Beran. Avant de mourir, Iza m’avait conseillé de retourner auprès de mon vrai peuple. D’après elle, il vivait au nord, sur le continent, mais quand je me suis enfin mise à le chercher, je ne l’ai pas trouvé. L’été était bien entamé lorsque j’ai découvert ma vallée, et je craignais que la saison froide n’arrive avant que j’y sois préparée. La vallée était un endroit protégé des vents, avec une petite rivière, beaucoup de plantes et d’animaux, et même une petite grotte. J’ai décidé d’y passer l’hiver et j’y suis finalement restée trois ans, avec Whinney et Bébé pour seule compagnie. J’attendais peut-être Jondalar, conclut-elle en souriant à son compagnon.

  « Je l’ai trouvé à la fin du printemps. L’été touchait à sa fin quand Jondalar a été assez rétabli pour voyager. Nous avons décidé de commencer par explorer la région. Chaque nuit, nous établissions notre camp dans un lieu différent, en nous éloignant de la vallée plus que je ne l’avais fait. Nous avons rencontré Talut, le chef du Camp du Lion, et il nous a offert l’hospitalité. Nous sommes restés avec les Mamutoï jusqu’au début de l’été suivant, et c’est pendant notre séjour qu’ils m’ont adoptée. Ils voulaient que Jondalar reste aussi et devienne l’un d’entre eux, mais déjà il prévoyait de revenir ici.

  — Je suis heureuse qu’il l’ait fait, dit Marthona.

  — Tu as beaucoup de chance d’avoir trouvé des gens disposés à t’adopter, souligna Zelandoni.

  Elle ne pouvait s’empêcher de s’étonner de l’étrange histoire d’Ayla et avait encore plus de questions que de réponses.

  — Je suis sûre que l’idée est d’abord venue de Nezzie, la compagne de Talut. Elle l’a convaincu parce que j’ai aidé Rydag, qui avait un... un ennui. Une faiblesse au... au...

  Ayla ne connaissait pas le nom exact, Jondalar ne le lui avait pas appris. Il pouvait nommer les diverses sortes de silex, les opérations permettant d’en faire des outils et des armes, mais les noms de plantes et de remèdes ne faisaient pas partie de son vocabulaire normal. Elle se tourna vers lui et demanda en mamutoï :

  — Comment appelez-vous la digitale ? Cette plante que je cueillais pour Rydag ?

  Il le lui dit, mais, avant qu’Ayla puisse répéter le nom, Zelandoni avait compris. Elle connaissait non seulement cette plante mais son usage : la personne dont parlait l’étrangère devait avoir une faiblesse interne de cet organe qui pompe le sang, le cœur, faiblesse qu’on pouvait combattre avec des extraits de digitale. La doniate comprit du même coup pourquoi ces gens avaient voulu adopter une guérisseuse assez experte pour utiliser une plante aussi bénéfique, mais en même temps aussi dangereuse, que la digitale. Après avoir entendu Ayla répéter l’essentiel de ce qu’elle avait deviné, l’obèse émit une autre hypothèse :

  — Ce Rydag, c’était un enfant ?

  — Oui, acquiesça Ayla avec une pointe de tristesse.

  Zelandoni estima avoir saisi les rapports entre l’étrangère et les Mamutoï, mais le Clan la laissait encore perplexe. Elle décida d’aborder cet aspect sous un autre angle.

  — Je sais que tu es une grande guérisseuse, Ayla, mais souvent, ceux qui détiennent un savoir portent une marque qui permet de les reconnaître. Comme celle-ci, dit-elle en montrant une marque au-dessus de sa tempe gauche. Je n’en vois pas sur toi.

  Ayla regarda le tatouage. C’était un rectangle divisé en six rectangles plus petits, presque des carrés, deux rangées de trois, avec au-dessus quatre traits qui, si on les avait réunis, auraient formé une autre rangée de rectangles. Leur contour était sombre et, à l’intérieur, trois d’entre eux étaient rouges, et un quatrième jaune.

  Cet emblème était unique en son genre, mais d’autres membres de la Caverne portaient une marque, notamment Marthona, Joharran et Willamar. Ayla ignorait si ces marques revêtaient une signification particulière mais soupçonnait que c’était le cas.

  — Mamut avait une marque sur la joue, dit Ayla en indiquant l’endroit sur son propre visage. Comme tous les mamutii. D’autres avaient des marques différentes, et j’en aurais peut-être eu une moi aussi si j’étais restée. Mamut a commencé à m’initier peu après m’avoir adoptée mais je n’avais pas terminé mon apprentissage quand je suis partie. C’est pourquoi je n’ai pas été tatouée.

  — N’as-tu pas dit que c’était la compagne de l’Homme Qui Ordonne qui t’avait adoptée ?

  — Je pensais qu’elle le ferait, et elle aussi, mais lors de la cérémonie Mamut a dit : Foyer du Mammouth, et non pas Foyer du Lion. C’est lui qui m’a adoptée.

  — Ce Mamut était un de Ceux Qui Servent la Mère ? demanda Zelandoni en pensant que l’étrangère avait été elle aussi préparée à Servir.

  — Oui, comme toi. Le Foyer du Mammouth était celui de tous Ceux Qui Servent. La plupart d’entre eux avaient choisi ce foyer, ou avaient l’impression d’avoir été choisis. Moi, j’y étais née, selon Mamut.

  Ayla rougit, embarrassée de parler de quelque chose qui lui avait été donné, qu’elle n’avait pas gagné. Elle songea à Iza, aux efforts qu’elle avait déployés pour faire d’elle une vraie femme du Clan.

  — Ton Mamut était un homme sage, déclara Zelandoni. Tu dis cependant que tu as appris à soigner avec une femme du peuple qui t’a élevée. Ce Clan ne marque donc pas ses guérisseuses pour que chacun puisse les identifier et connaître leur rang ?

  — Quand j’ai été acceptée comme guérisseuse du Clan, on m’a donné une pierre noire, un signe spécial que je devais garder dans mon sac à amulettes. Mais le Clan ne fait de tatouage que pour le totem, quand un garçon devient un homme.

  — Alors, comment reconnaît-on une guérisseuse lorsqu’on a besoin de son aide ?

  Ayla n’y avait jamais pensé. Elle réfléchit un moment avant de répondre :

  — Il n’y a pas besoin de marque. Une guérisseuse occupe un rang particulier, sa position est toujours reconnue. Iza était la femme la
plus honorée du Clan, avant même la compagne de Brun.

  Zelandoni secoua la tête.

  — Je n’en doute pas, mais comment les autres le savent-ils ?

  — Par sa position, répéta Ayla. Par la position qu’elle occupe quand le Clan va quelque part, par la place où elle se tient quand elle mange, par les signes qu’elle utilise quand elle... parle, par ceux qu’on lui fait quand on s’adresse à elle.

  — Cela ne doit pas être très commode, cet usage de positions et de signes.

  — Pas pour eux. C’est ainsi que parlent les membres du Clan. Par signes. Ils ne parlent pas avec des mots comme nous.

  — Pourquoi ? voulut savoir Marthona.

  — Ils ne peuvent pas. Ils n’arrivent pas à prononcer tous nos sons. Certains mais pas tous. Alors, ils parlent avec leurs mains et leur corps, tenta d’expliquer Ayla.

  Jondalar sentait croître l’ébahissement des siens et la détresse d’Ayla. Il décida qu’il était temps de dissiper toute équivoque.

  — Ayla a été élevée par des Têtes Plates, mère, révéla-t-il, provoquant un silence stupéfait.

  — Des Têtes Plates ? Les Têtes Plates sont des animaux ! se récria Joharran.

  — Non, repartit Jondalar.

  — Bien sûr que si ! Ils ne savent pas parler, argua Folara.

  — Ils parlent, mais pas comme toi, lui répondit son frère. Je parle même un peu leur langue. Quand Ayla raconte que je lui ai appris à parler, c’est exactement ce qu’elle veut dire. (Il jeta un coup d’œil à Zelandoni, dont il avait remarqué l’expression effarée quelques instants auparavant.) Elle avait oublié la langue qu’elle avait apprise dans son enfance, elle ne connaissait plus que celle du Clan. Le Clan, ce sont les Têtes Plates, c’est le nom qu’ils se donnent.

  — Comment peuvent-ils se donner un nom s’ils parlent avec les mains ? objecta Folara.

  — Ils ont des mots, expliqua Ayla pour la seconde fois. Simplement, ils ne peuvent pas tout dire. Ils n’entendent même pas les sons que nous faisons. Ils pourraient les comprendre s’ils avaient commencé à les entendre dès leur plus jeune âge.